Des milliers de justiciables découvrent chaque année, souvent à leurs dépens, qu’un jugement peut être appliqué avant même qu’il ne soit définitif. C’est ce qu’on appelle l’execution provisoire. Vous avez fait appel, mais on vous oblige à payer ? Vous pensiez que la procédure suspendait tout ? Ce mécanisme, devenu la règle depuis 2020, permet à la justice d’être rapide… mais parfois au prix d’un sentiment d’injustice. Voici ce qu’il faut comprendre pour éviter les mauvaises surprises.
Table des matières
Qu’est-ce que l’exécution provisoire ?
L’execution provisoire est la possibilité, pour la partie gagnante d’un procès, de faire appliquer immédiatement le jugement, même si l’autre partie conteste la décision.
Autrement dit, le recours ne suspend pas l’application du jugement.
Ce mécanisme vise à empêcher les recours dilatoires et à assurer l’efficacité des décisions de justice.
Mais pour la partie condamnée, il peut signifier une execution forcée alors même que la décision pourrait être annulée en appel.
Depuis la réforme de 2019, entrée en vigueur le 1er janvier 2020, l’exécution provisoire est devenue automatique, sauf si le juge décide expressément de l’écarter.
Bon à savoir : L’exécution provisoire concerne la plupart des jugements civils, commerciaux ou prud’homaux. Elle ne s’applique pas aux décisions pénales, qui obéissent à d’autres règles.
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Dans quels cas l’exécution provisoire s’applique-t-elle ?
Il existe deux situations : l’exécution provisoire de droit et celle ordonnée par le juge.
L’execution provisoire de droit
Elle s’applique sans que le juge ait à la prononcer. C’est la loi qui le prévoit, notamment pour :
• les salaires dus à un salarié,
• la pension alimentaire,
• les contributions à l’entretien des enfants,
• certaines mesures urgentes.
Exemple :
Un salarié obtient la condamnation de son employeur au paiement d’un rappel de salaire. Même si ce dernier fait appel, il devra verser les sommes immédiatement.
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L’execution provisoire ordonnée par le juge
Le juge peut décider d’ordonner l’exécution provisoire lorsqu’il estime qu’elle est nécessaire.
Cela se produit souvent lorsqu’il existe un risque de préjudice grave ou lorsqu’il faut protéger un droit essentiel.
Exemple : Dans une procédure d’expulsion, le juge peut ordonner l’exécution provisoire pour que le propriétaire récupère son bien sans attendre la fin de l’appel.
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Bon à savoir : L’exécution provisoire ordonnée par le juge doit être motivée. Si le jugement ne précise pas les raisons, la mesure peut être contestée.
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- perte financière immédiate,
- atteinte à la réputation ou à l’activité professionnelle,
- difficulté à récupérer les sommes si la décision est finalement annulée.
- l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives,
- ou si la décision paraît irrégulière ou entachée d’erreur manifeste.
Quelles conséquences pour les parties ?
L’effet de l’exécution provisoire est immédiat : la décision s’applique.
La partie gagnante peut recouvrer les sommes, obtenir une saisie ou procéder à une expulsion.
La partie perdante, elle, doit s’exécuter, même si elle a déposé un recours.
Cela peut avoir des conséquences lourdes :
Bon à savoir : Si la cour d’appel infirme la décision, la partie gagnante devra rembourser ce qu’elle a obtenu grâce à l’exécution provisoire. Mais dans la pratique, ce remboursement est souvent difficile à obtenir.
Peut-on suspendre une exécution provisoire ?
Oui, mais c’est une procédure spécifique et limitée dans le temps.
La partie condamnée peut demander la suspension de l’execution provisoire devant le premier président de la cour d’appel, dans les 15 jours suivant la notification du jugement.
Cette suspension peut être accordée si :
Exemple :
Une petite entreprise condamnée à verser 80 000 € à un prestataire peut demander la suspension si ce paiement immédiat menace sa survie économique.
Mais attention : ces suspensions restent exceptionnelles. Les juges privilégient la stabilité et l’efficacité de la justice.
Bon à savoir : Faire appel ne suffit pas à suspendre le jugement. Tant que le premier président n’a pas statué, l’execution provisoire continue à produire ses effets.
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Dans quels domaines est-elle la plus fréquente ?
L’exécution provisoire est omniprésente dans la vie quotidienne des justiciables.
On la retrouve notamment :
• en droit du travail, pour les rappels de salaire ou les indemnités ;
• en droit de la famille, pour les pensions alimentaires, la résidence des enfants ou les droits de visite ;
• en droit civil et commercial, pour les créances, expulsions ou recouvrements de loyers impayés.
Bon à savoir : Au conseil de prud’hommes, certaines décisions sont exécutoires de plein droit, notamment celles concernant le versement de sommes destinées à la subsistance du salarié.
Pourquoi tant de justiciables la découvrent trop tard ?
Parce que beaucoup pensent, à tort, que faire appel suspend tout.
Or, depuis la réforme de 2019, ce n’est plus le cas : l’execution provisoire est la règle.
Résultat : des milliers de personnes se retrouvent à devoir payer, restituer ou exécuter une décision alors même qu’elles la contestent.
Ce mécanisme répond à un besoin de rapidité de la justice, mais il crée aussi des situations de détresse lorsque l’appel aboutit ensuite à une annulation du jugement.
Exemple : Une personne condamnée à verser une indemnité paie immédiatement. Deux ans plus tard, la cour d’appel lui donne raison. Entre-temps, la somme a disparu.
Bon à savoir : Même si la décision de première instance est réformée, les frais engagés pour l’exécution (huissier, saisie, déménagement) restent souvent à la charge de celui qui les a subis.
Comment se protéger ?
Dès qu’un jugement est rendu, il est essentiel de vérifier s’il est assorti de l’execution provisoire.
Cette mention figure dans la décision, souvent à la fin du dispositif.
En cas de doute, il faut agir vite : consulter un avocat et, si nécessaire, saisir le premier président de la cour d’appel.
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