Anouk Grinberg a déposé une plainte auprès de l’Ordre des avocats de Paris contre Me Jérémie Assous, avocat de Gérard Depardieu. Elle estime que ce dernier a publiquement « sali » son témoignage en la ridiculisant lors d’une intervention télévisée. L’actrice, engagée depuis plusieurs mois aux côtés de femmes dénonçant des violences sexuelles imputées au comédien, veut rappeler que la parole des témoins mérite autant de respect que celle des victimes présumées. Retour sur les faits et sur le cadre juridique d’une telle plainte.
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Pourquoi Anouk Grinberg a saisi l’Ordre des avocats
Début octobre, l’actrice Anouk Grinberg a saisi l’Ordre des avocats de Paris pour dénoncer les propos de Me Jérémie Assous, avocat de Gérard Depardieu.
Le 2 septembre, invité sur le plateau de BFMTV à la suite de l’annonce du renvoi de Depardieu en cour d’assises, l’avocat aurait tenu des propos jugés dénigrants à l’égard de l’actrice, moquant la crédibilité de son témoignage et son engagement public.
Selon une source proche du dossier citée par l’AFP, la plainte vise à faire reconnaître un manquement déontologique : celui d’avoir publiquement attaqué une personne non partie au procès, de manière à porter atteinte à sa dignité.
Anouk Grinberg ne cherche pas à ouvrir une action pénale, mais à obtenir une reconnaissance institutionnelle que certaines limites ont été franchies dans la communication publique d’un avocat.
« Il ne s’agit pas d’un procès contre un avocat, mais d’une demande de respect de la parole des femmes », explique un proche de la comédienne.
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Que signifie une plainte auprès de l’Ordre des avocats ?
Contrairement à une plainte judiciaire, une saisine ordinale n’a pas pour objet de juger un crime ou un délit. Elle vise à vérifier si un avocat a enfreint les règles déontologiques de la profession — celles qui garantissent la dignité, la loyauté et la modération dans l’expression publique.
Me Jérémie Assous a tenu à rappeler que cette procédure est courante et non contraignante :
« Il s’agit simplement d’une saisine ordinale, laquelle entraîne automatiquement un échange entre le représentant du bâtonnier et l’avocat concerné, aboutissant à la rédaction d’un avis purement consultatif », a-t-il précisé, soulignant qu’il s’en rend près de huit mille par an au barreau de Paris.
En pratique, le bâtonnier ou un rapporteur déontologique examine la plainte, entend les parties et peut émettre un avis consultatif. Cet avis n’entraîne aucune sanction directe, sauf si le bâtonnier estime qu’il existe une faute disciplinaire grave justifiant une procédure disciplinaire formelle devant le Conseil de discipline.
Bon à savoir : Tout avocat est tenu au respect du secret professionnel et au devoir de modération dans la presse ou les médias audiovisuels.
L’article 10 du Règlement Intérieur National (RIN) rappelle que « l’avocat doit faire preuve de dignité, de loyauté et de délicatesse dans toutes ses interventions publiques ».
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La parole des témoins : un enjeu du mouvement #MeToo
Si cette affaire dépasse le cadre personnel, c’est qu’elle s’inscrit dans un contexte plus large : celui du mouvement #MeToo, où la parole des victimes — mais aussi des témoins — reste parfois contestée ou dénigrée dans l’espace médiatique.
Anouk Grinberg avait pris la parole publiquement pour soutenir les femmes qui affirment avoir été victimes de violences sexuelles de la part de Gérard Depardieu.
Son témoignage ne portait pas sur des faits directs mais sur son expérience du comportement de l’acteur et sur la nécessité d’écouter les plaignantes.
Or, selon elle, les propos tenus par Me Assous ont contribué à jeter le discrédit sur son engagement et, plus largement, sur la cause qu’elle défend.
Cette plainte traduit donc une volonté de rétablir un cadre de respect et de responsabilité dans la parole médiatique autour des affaires sensibles.
« Défendre un client ne justifie pas d’humilier ceux qui s’expriment », confie un avocat pénaliste contacté par 20 Minutes.
Peut-on sanctionner un avocat pour ses propos dans les médias ?
La liberté d’expression d’un avocat est garantie par la jurisprudence européenne, notamment par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), mais elle connaît des limites.
Un avocat peut s’exprimer dans la presse, à condition de ne pas violer le secret de l’instruction, ne pas porter atteinte à la présomption d’innocence ni insulter ou diffamer des tiers.
En cas d’abus, l’Ordre des avocats peut prononcer différentes sanctions disciplinaires, allant de l’avertissement à la radiation du barreau.
Ces cas restent toutefois rares : la majorité des saisines ordinales se terminent par un classement sans suite.
Bon à savoir : En 2024, le barreau de Paris a reçu plus de 7 800 saisines ordinales, dont la plupart concernent des conflits avec des clients ou des manquements de communication. Moins de 3 % aboutissent à une sanction.
Une affaire symbolique autour de la responsabilité des avocats médiatiques
Au-delà du cas individuel, la démarche d’Anouk Grinberg interroge le rôle médiatique des avocats dans les affaires sensibles.
Ces dernières années, certains conseils sont devenus de véritables porte-parole publics, parfois plus présents sur les plateaux télé que dans les tribunaux.
Cette visibilité accrue pose la question du cadre éthique : jusqu’où un avocat peut-il aller pour défendre son client dans l’espace public ?
La réponse de l’Ordre des avocats, même consultative, sera observée de près, car elle pourrait redéfinir les limites du débat public autour des affaires de violences sexuelles.
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