👉 Un proche en détention provisoire ? Maître Guihard vous explique en détail tout ce qu’il faut savoir.
Table des matières
Qu’est-ce qu’une détention provisoire ?
La détention provisoire, également appelée détention préventive, est une mesure judiciaire qui consiste à placer une personne en détention avant une décision définitive de jugement ou pendant le temps de l’enquête pénale, notamment lors d’une mise en examen (voir notre article: Quelles sont les conséquences d’une garde à vue ?).
Cette mesure privative de liberté est utilisée lorsqu’il existe un risque que la personne poursuivie puisse s’enfuir, altérer des preuves utiles à la manifestation de la vérité, exercer des pressions sur les victimes ou les témoins ou continue à commettre des infractions.
La détention provisoire est une mesure qui porte atteinte aux libertés individuelles. C’est pourquoi, son prononcé doit être strictement encadré par les articles 143-1 et 144 du Code de procédure pénale.
Qui décide de la mise en détention ?
La décision de placer une personne en détention provisoire est prise par un Juge des libertés et de la
détention (JLD) ou par un magistrat lors de la présentation de la personne prévenue devant un Tribunal, après les réquisitions du Ministère public et l’exposé des arguments avancés par l’avocat du mis en examen ou du prévenu (voir notre article Mise en examen: quelles sont les conséquences ?).
Lors de l’examen de cette mesure, le juge examinera si les conditions légales sont remplies pour ordonner un placement en détention provisoire, mais veillera également à examiner les garanties de représentation de la personne présentée devant lui (situation familiale, professionnelle, antécédents judiciaires, etc.). Il est donc très important de fournir toutes les pièces de personnalité de la personne poursuivie à son avocat pour une défense effective (besoin d’un avocat en droit pénal ? remplissez le formulaire ici.).
Quelles sont les raisons ?
La détention provisoire est une mesure qui porte atteinte aux droits fondamentaux. C’est pourquoi, le juge doit veiller à ce que les conditions légales soient respectées. La détention provisoire peut être
ordonnée dès lors que :
- La personne encourt une peine criminelle ;
- La personne encourt une peine correctionnelle d’une durée égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement ;
- La personne s’est soustraite à son contrôle judiciaire ;
- La personne s’est soustraite à son assignation à résidence sous surveillance électronique (bracelet électronique).
Cependant, le Code de procédure pénale prévoit également que la détention provisoire doit être le seul moyen de :
- Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ;
- Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;
- Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ;
- Protéger la personne mise en examen ;
- Garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;
- Mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ;
- Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public.
Il est important de noter que la détention provisoire est une mesure exceptionnelle et doit être justifiée par la nature de l’infraction et des circonstances spécifiques.
Dans tous les cas, les décisions concernant la détention provisoire doivent respecter les droits fondamentaux de la personne poursuivie, tels que la présomption d’innocence et les droits de la défense.
Détention provisoire avec mandat de dépôt
La détention provisoire avec mandat de dépôt fait référence à une décision judiciaire dans laquelle un juge ordonne la mise en détention immédiate de la personne poursuivie dans le cadre de l’enquête pénale ou dans l’attente de son jugement.
Le mandat de dépôt est un document émis par l’autorité judiciaire comprenant l’identité de la personne à l’encontre de laquelle il est décerné, l’identité du magistrat l’ayant ordonné, la date de l’acte, la qualification juridique des faits reprochés et les articles de lois applicables, transmis aux autorités compétentes (police et services pénitentiaires) pour placer immédiatement le mis en examen ou le prévenu en maison d’arrêt.
Combien de temps en détention ?
La durée de la détention provisoire peut varier en fonction de plusieurs facteurs, tels que la gravité des faits reprochés à la personne et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité.
Par principe, la détention provisoire est censée être une mesure temporaire et doit être justifiée par les critères prévus par l’article 144 du Code de procédure pénale.
En matière correctionnelle
La détention provisoire ne peut dépasser une durée de 4 mois. Toutefois, le Juge des Libertés et de la Détention peut décider de prolonger de 4 mois supplémentaires (par deux fois) la détention provisoire, par une ordonnance motivée, après débat contradictoire avec l’avocat de la défense, au regard de la gravité des faits et/ou des investigations à poursuivre. Cette durée ne peut excéder une durée totale d’un an.
En matière criminelle
La détention provisoire ne peut dépasser une durée de 1 an. Toutefois, le Juge des Libertés et de la Détention peut décider de prolonger de 6 mois supplémentaires (par deux fois) la détention provisoire, par une ordonnance motivée, après débat contradictoire avec l’avocat de la défense, au regard de la gravité des faits et/ou des investigations à poursuivre. La personne poursuivie ne peut être maintenue en détention provisoire au-delà de 2 ans lorsque la peine encourue est inférieure à 20 ans de réclusion criminelle et au-delà de 3 ans dans les autres cas. Il existe une exception pour les infractions de trafic de stupéfiants, terrorisme, proxénétisme, extorsion de fonds ou pour un crime commis en bande organisée où la durée totale peut aller jusqu’à 4 ans de détention provisoire.
Par ailleurs, les personnes détenues ont le droit de contester la légalité de leur détention, au regard du droit d’être jugé dans un délai raisonnable.
Des demandes de mises en liberté peuvent être réalisées à tout moment de la détention provisoire.
Il est important de noter que même si la détention provisoire peut être prolongée, elle est censée être une mesure limitée dans le temps et doit être justifiée par des raisons valables conformément aux lois et normes juridiques en vigueur.
Peut-on faire appel ?
Il est possible de contester une décision de placement en détention provisoire en interjetant appel de cette décision.
Pour ce faire, le délai d’appel est de 10 jours et peut se faire soit par l’avocat de la personne détenue soit par la personne détenue auprès du greffe pénitentiaire de la Maison d’arrêt.
Le dossier est ensuite transmis au Procureur général de la Cour d’appel. Ce dernier transmettra ensuite le dossier et ses réquisitions à la Chambre de l’instruction. Ensuite, la Chambre de l’instruction examinera la demande, après avoir entendu les réquisitions du Ministère public et les observations de l’Avocat de la personne poursuivie dans un délai de 10 jours.
Peut-on être libéré ?
Il est possible d’être libéré au cours d’une détention provisoire. Des demandes de mise en liberté peuvent être réalisées à tout moment de la mesure et de manière illimitée.
Néanmoins, pour pouvoir être libéré, il faut s’assurer que les conditions fixées à l’article 144 du Code de procédure pénale (risque de fuite, pressions, conservation des preuves, etc.) ne nécessitent plus un maintien en détention provisoire et que les investigations nécessaires à la manifestation de la vérité ont été réalisées.
En fonction du cadre procédural, la demande de mise en liberté varie.
- La demande de mise en liberté dans le cadre d’une information judiciaire
La demande de mise en liberté doit être adressée au juge d’instruction soit par le biais de l’avocat de la personne poursuivie soit par le greffe pénitentiaire. Il bénéficie d’un délai de 5 jours pour se prononcer sur la demande de mise en liberté. En cas de refus, celui-ci saisira le Juge des Libertés et de la Détention aux fins de rejet de la demande de mise en liberté. Le JLD aura ensuite un délai de 3 jours pour statuer sur la demande.
Aucune audience n’est organisée pour cette demande de mise en liberté. Il s’agit d’une procédure écrite donc il est important de réaliser une demande complète et détaillée.
- La demande de mise en liberté hors information judiciaire
En dehors de l’information judiciaire, il appartient à la juridiction de jugement de se prononcer sur la demande de mise en liberté qui sera saisie par l’avocat du prévenu, la personne détenue elle-même ou au moment de l’audience.
Où sont détenues les personnes ?
Les personnes placées en détention provisoire sont détenues dans des Maisons d’arrêt.
On dénombre actuellement 84 Maisons d’arrêts en France dont 53 centres pénitentiaires comportant eux-mêmes un quartier Maison d’arrêt.
En Île-de-France, il y a par exemple les Maisons d’arrêt de Paris – la Santé ; Fresnes ; Fleury-Mérogis ; Nanterre ; Villepinte ; Meaux-Chauconin-Neufmontiers ; Versailles ; Osny-Pontoise ou encore de Réau.
De nombreuses autres Maisons d’arrêt sont présentes à travers la France comme celles de Marseille-Les Baumettes ; Lyon Corbas ; Lille-Sequedin ; Nantes ; Bordeaux-Gradignan, etc.
Comment se passe la détention ?
L’arrivée en détention
Dès son arrivée en Maison d’arrêt, le détenu provisoirement devra se faire enregistrer auprès du greffe pénitentiaire avec inscription de son identité, ses empreintes et sa photographie. La personne se voit attribuer un numéro d’écrou qui lui est personnel et qui sera son identification tout au long de la détention. Une carte d’identité intérieure peut aussi être remise pour circuler dans l’établissement.
Ensuite, le détenu devra déposer ses papiers d’identité et tout objet en sa possession au vestiaire. Une fiche d’inventaire précisant l’ensemble des effets personnels retenus lui sera remise. Une fouille est réalisée. En cas de risque pour la sécurité des biens ou des personnes, une fouille intégrale (=corporelle) peut être effectuée.
L’argent liquide et les moyens de paiement sont déposés à la comptabilité dans un coffre.
La personne détenue peut bénéficier d’une douche, d’un nécessaire de toilette, de sous-vêtements propres et d’un repas. Un paquetage sera aussi remis comprenant des draps, couverture, produits d’hygiène, de correspondance, etc.
Les proches de la personne détenue peuvent lui déposer du linge conformément aux instructions de la Maison d’arrêt.
Dans les 24 premières heures, un entretien individuel sera réalisé avec un membre de l’administration pénitentiaire et avec un soignant de l’unité sanitaire aux fins de signaler toute difficulté personnelle ou de santé.
Pour toute nouvelle personne détenue, elle sera placée dans un quartier « arrivants » pour atténuer le choc carcéral avant d’être transférée dans une nouvelle cellule, avec des co-détenus, quelques jours après.
La vie en détention
Il est possible de passer gratuitement un appel téléphonique dans les premières heures aux proches pour les arrivants. Ensuite, une demande de téléphoner devra être réalisée.
Il est aussi possible d’écrire ou de téléphoner à un avocat. Pour désigner un avocat, il faut lui envoyer un courrier de désignation et, en parallèle, procéder à sa désignation auprès du greffe pénitentiaire. En l’absence d’avocat, une demande d’avocat commis d’office peut être sollicitée.
Au cours de la détention provisoire, la personne détenue pourra solliciter des examens médicaux, recevoir de l’argent de la part de ses proches pour cantiner, s’inscrire à des activités, à des formations, à un travail ou encore rencontrer un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation.
Comment communiquer avec sa famille ?
Lorsqu’une personne est détenue, il est important qu’elle puisse maintenir ses liens familiaux. Il s’agit
d’un droit fondamental encadré par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés Fondamentales.
Le détenu dispose de plusieurs dispositifs pour pouvoir communiquer sa famille.
Le téléphone
Pour pouvoir communiquer sa famille, le détenu devra solliciter une autorisation de téléphoner auprès du Juge d’instruction en cas de mise en examen ou du Procureur de la République en cas de détention provisoire dans l’attente du jugement. L’intéressé devra adresser sa demande par écrit au magistrat en question et lui communiquer l’identité des personnes avec qui il souhaite téléphoner (noms et numéros de téléphone). Un code d’accès sera ensuite attribué au détenu pour qu’il puisse téléphoner.
Le règlement intérieur de l’établissement pénitentiaire fixe la durée et la fréquence des communications. Les appels téléphoniques peuvent être contrôlés ou enregistrés.
Par ailleurs, il est strictement interdit de posséder un téléphone portable en détention. Il s’agit d’une infraction pouvant conduire à des sanctions disciplinaires et/ou judiciaires. De la même manière, la personne qui échange avec une personne détenue sans autorisation de téléphoner est aussi susceptible de faire l’objet de poursuites judiciaires.
Le permis de visite
La famille du détenu a la possibilité de solliciter un permis de visite en remplissant le formulaire Cerfa n°13960*02 ou en rédigeant une lettre motivée. Il faudra y mentionner l’identité du demandeur de permis, l’identité de la personne incarcérée avec son numéro d’écrou et les liens avec cette personne.
Cette demande devra être accompagnée de la photocopie de la pièce d’identité du demandeur, de deux photographies d’identité, d’un justificatif de domicile, la copie du livret de famille (en cas de liens familiaux), une enveloppe timbrée et tout élément pouvant appuyer la demande de permis de visite.
Le dossier devra être envoyé au cabinet du Juge d’instruction en cas de mise en examen, au Procureur de la République du Tribunal Judiciaire en cas de détention provisoire dans l’attente du jugement de première instance ou au Procureur Général de la Cour d’appel en cas de détention provisoire à la suite de l’appel du jugement de première instance.
Une réponse sera apportée en général sous une quinzaine de jours.
Ensuite, une fois le permis validé, il sera possible de rendre visite à la personne en détention provisoire en prenant rendez-vous auprès de l’administration de la Maison d’arrêt.
Les courriers
À l’arrivée en Maison d’arrêt, un kit de correspondance sera remis au détenu avec du papier, des enveloppes, des timbres et des crayons. Il est possible d’envoyer des courriers tous les jours. Par ailleurs, par la suite, le détenu devra cantiner pour pouvoir bénéficier du matériel nécessaire pour communiquer.
Il est tout à fait possible pour la famille d’envoyer des lettres, des photos de famille, des documents relatifs à la vie de famille ou la scolarité des enfants.
Il est interdit d’envoyer ou de recevoir de l’argent par courrier.
Le courrier adressé ou reçu par la personne en détention provisoire est obligatoirement contrôlé et retenu par l’administration pénitentiaire aux fins de vérification. Le magistrat ayant ordonné l’incarcération peut aussi demander à ce que le courrier lui soit transmis pour contrôle.
Seuls les courriers destinés à l’avocat, au magistrat, aux autorités administratives ou à l’aumônier ne sont pas contrôlés.
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