Divorcer est une épreuve. Afin de réduire le nombre et l’intensité des difficultés qui ne manqueront pas de survenir, mieux vaut anticiper en se posant de bonnes questions. Nous en avons recensé onze, parmi tant d’autres, qui nous ont été posées récemment par des clients.
Ces questions portent sur des sujets souvent complexes qui mériteraient des développements approfondis. N’hésitez pour cela à consulter un avocat afin d’obtenir des analyses plus poussées.
Table des matières
Faut-il vendre sa maison, sa résidence principale avant de divorcer ?
Les conjoints envisagent souvent de vendre, en amont de la procédure de divorce, la résidence principale qu’ils détiennent en commun, en indivision.
Un des objectifs de cette vente anticipée est de minimiser le coût du divorce en ne payant pas, au trésor public, la taxe d’enregistrement dite droit de partage sachant que le partage est l’acte juridique qui met fin à l’indivision.
Ce souhait des couples parait légitime. Cela l’était tout particulièrement lorsque cette taxe était de 2,50 % avant d’être réduite à 1,80% début 2021 puis à 1,10 % au 1er janvier 2022 (article 746 du Code général des impôts (CGI). Ce taux est applicable à la valeur nette de dettes de votre actif.
Ce Code précise les quatre conditions d’exigibilité de cette taxe qui sont l’existence d’un acte constatant le partage, d’une indivision, la preuve de cette copropriété et finalement qu’ait lieu une opération de partage.
Pour lever toutes les incertitudes juridiques et fiscales qui entourent ce sujet complexe, nous vous recommandons vivement d’interroger votre avocat ou votre notaire qui sera à même de vous conseiller et de vous mettre à l’abri d’un redressement fiscal si jamais cette taxe se révélait être, dans votre cas, exigible.
Vos conseils seront en effet à même de prendre en compte, dans leurs analyses, les différentes variables : le type de régime matrimonial, la procédure de divorce envisagée, l’existence d’un acte de partage, les positions ministérielles sur le droit de partage…
Peut-on racheter la part de son conjoint dans le domicile conjugal avant de divorcer ?
Dans ce cas, un des époux exprime le souhait de conserver le bien acquis ensemble. Il devra pour cela verser une somme d’argent pour devenir l’unique propriétaire du bien immobilier qui était auparavant détenu en commun ou en indivision. Cette opération correspond à un rachat de soulte.
Dans un régime matrimonial communautaire, il n’est pas possible de faire un rachat de soulte avant de divorcer car il ne peut y avoir de biens propres au sein du mariage. Tout ce qui appartient à l’un appartient aussi à l’autre.
En revanche, si les conjoints sont mariés sous le régime de la séparation des biens, ce rachat est possible mais il ne s’agira pas alors d’une opération de rachat de soulte mais d’une cession de droit indivis.
Cette cession sur le plan fiscal entrainera l’imposition sur la plus-value réalisée (articles 150 U à 150 VH du CGI) et le paiement du droit de partage dit aussi d’enregistrement (article 746 du CGI). A ces coûts viendront s’ajouter les frais de notaire.
Peut-on obtenir une prestation compensatoire avant le prononcé du divorce ?
Rappelons ce qu’est la prestation compensatoire prévue à l’article 270 du Code civil. Il s’agit d’un montant forfaitaire qui sera versé par l’un des époux et destiné à compenser la disparité que le divorce va créer dans les conditions de vie respectives des époux ; cette disparité étant évaluée selon les critères de l’article 271 du Code civil.
En cas de divorce par consentement mutuel, le montant et les modalités de paiement de cette prestation compensatoire sont fixés par les époux et figurent dans la convention signée par les conjoints et leurs avocats.
La prestation compensatoire n’est donc pas exigible avant cette date exécutoire.
Dans les divorces contentieux, la prestation compensatoire (qui doit être demandée au cours de la procédure de divorce) est décidée par le juge.
Elle n’est exigible qu’à compter du jour ou le prononcé du divorce est devenu définitif (ou en cas de recours, s’il y a exécution provisoire).
En synthèse : la prestation compensatoire est toujours versée après le prononcé du divorce. C’est-à-dire à partir du jour de l’enregistrement de la convention pour les divorces amiables et le jour du jugement pour les procédures contentieuses.
Peut-on cacher de l’argent avant le divorce ?
Un des conjoints peut être tenté à dissimuler une partie de son patrimoine, de ses revenus afin de réduire le montant de la prestation compensatoire qu’il lui faudra verser. Ces techniques permettant une telle dissimulation mais elles vont à l’encontre de la loi qui dispose, en l’article272 du Code civil, que les époux doivent fournir au juge une déclaration, certifiant sur l’honneur de l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.
Après que le divorce a été prononcé, l’époux qui s’estime lésé peut intenter, dans les deux mois à compter du jour où il découvre la fraude, un recours en révision de la prestation compensatoire sur le fondement de l’article 595 du Code de procédure civile.
Cette demande de révision sera recevable si la fraude commise par l’autre conjoint porte sur un des éléments d’appréciation de la prestation compensatoire expressément prévu par la loi.
Peut-on quitter le domicile conjugal avant un divorce ?
Quitter le domicile conjugal avant le prononcé du divorce est considéré comme une faute sauf en cas de motif légitime. Il s’agit d’une faute, au sens que lui donne l’article 242 du Code civil, c’est-à-dire une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune.
En effet, l’article 215 du Code civil impose aux conjoints un devoir de communauté de vie ce qui implique de cohabiter et de résider sous le même toit.
L’abandon du domicile conjugal peut justifier le prononcé du divorce aux torts exclusifs de l’époux qui a commis la faute.
Le conjoint, qui constate l’abandon du domicile conjugal et que les époux vivent séparés depuis au moins un an, pourra également demander un divorce pour altération définitive du lien conjugal.
Cependant le départ du domicile conjugal, sans autorisation préalable du juge, ne sera pas considéré comme une faute s’il existe des motifs légitimes pour quitter la résidence du couple. Le conjoint, pour ne pas être considéré comme fautif, devra alors apporter la preuve que son départ se justifiait par le comportement de son époux (actes de violences sur soi ou ses enfants…)
C’est ainsi que le départ d’une épouse qui a établi la réalité (dépôts de plaintes, mains courantes, attestations de proches, constatations de blessures…) des violences exercées à son encontre ou à celle de ses enfants sera le plus souvent considéré comme légitime.
Ces éléments de preuve permettront également au juge aux affaires familiales (JAF) lors de la procédure de divorce et de l’audience d’orientation de fixer la résidence séparée des époux.
Les époux peuvent également décider d’un commun accord de ne plus résider sous le même toit. Dans ce cas, pour qu’une faute pour abandon du domicile conjugal ne puisse pas être invoquée, les conjoints devront être en mesure de produire une lettre cosignée de départ du domicile conjugal.
Rappelons que même en cas de résidence séparée chaque époux devra continuer de contribuer aux charges du mariage, aux dépenses communes en fonction de ses ressources, comme le prévoit l’article 214 du Code civil.
A retenir : l’abandon du domicile conjugal sans autorisation et sans raison justifiée constitue une faute telle que prévue à l’article 242 du Code civil.
Peut-on quitter le domicile conjugal avec ses enfants avant un divorce ?
Comme indiqué précédemment, vous ne pouvez pas abandonner le domicile conjugal avec vos enfants sauf s’il existe des motifs légitimes pour le faire telles que des violences commises par votre époux à l’encontre de vos enfants.
Sans autorisation et sans raison justifiée vous commettriez une faute, une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage.
De surcroît partir, déménager avec les enfants mineurs du couple, sans l’accord de l’autre parent et sans motifs légitimes, serait un enlèvement parental, un délit qui est défini à l’article 227-7 du Code pénal et passible d’un an d’emprisonnement et de 15 000€ d’amende, peine pouvant être portée à 3 ans et 45 000€ en cas de circonstances aggravantes telles que prévues aux articles 227-9 et 227-10 de ce même Code.
Cela reste un délit même si vos enfants sont d’accord pour partir avec vous.
A retenir : l’abandon du domicile conjugal sans autorisation et sans raison justifiée constitue une faute telle que prévue à l’article 242 du Code civil. Si cette faute est commise en partant avec vos enfants, vous vous exposez à des sanctions pénales pour enlèvement.
Peut-on mettre de l’argent dans sa société, avant un divorce, par un apport à un compte courant d’associé ?
Ce qui est désigné sous le terme apport en compte courant d’associé est en fait un prêt consenti par un des conjoints, titulaire du compte courant.
La question se pose lorsque ce prêt provient d’une somme qui est un bien commun du couple et non lorsqu’il s’agit d’un bien propre, personnel de l’associé.
Ces apports communs de biens appartenant à la communauté sont régis par la forme juridique de la société. Dans certains cas, comme pour une SARL, il n’est pas possible d’effectuer un apport à sa société en compte courant associé sans avoir au préalable informé son conjoint et que cette information ait été constaté dans un acte. L’époux qui n’aurait pas été averti de cet apport pourrait agir en nullité par application des articles 1427 et 1832-2 du Code civil.
Même si un seul des conjoints est titulaire du compte courant d’associé, la somme provenant du remboursement devra figurer à l’actif de la communauté et être partagé.
En revanche le conjoint non titulaire n’aura pas qualité à agir pour demander le remboursement à la société bénéficiaire du prêt octroyé.
Peut-on vider la maison avant un divorce ?
Un des époux ne peut pas quitter le domicile conjugal, avant que le divorce soit prononcé, avec des biens meubles appartenant à la communauté.
S’il emporte des biens, il devra apporter la preuve que ces meubles étaient des biens propres.
« Alors que tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi ; qu’il incombe à l’époux revendiquant le caractère propre d’un bien d’en rapporter la preuve » Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 octobre 2018, 17-26.713.
Peut-on donner de l’argent à ses enfants avant le divorce ?
Vous pouvez faire une donation d’argent, d’un bien qui vous est propre mais pas d’un bien commun.
Vous ne pourrez faire donation d’un bien commun, avant le divorce, qu’avec l’accord de votre conjoint sinon cette donation pourra être considérée comme une tentative de faire sortir un bien de la masse à partager.
S’il y a donation et quel que soit sa forme, don manuel, don familial, elle se doit de respecter les plafonds et abattements prévus par le CGI et de se conformer aux obligations déclaratives.
Doit – on déclarer sa séparation aux impôts avant que le divorce soit prononcé ?
Non, pour adapter le prélèvement à la source à votre nouvelle situation, vous devez déclarer votre divorce dans les 60 jours après qu’il a été prononcé.
Au titre de l’année du divorce (N-1), chaque ex-époux devra effectuer, en ligne ou sur papier, sa propre déclaration avec ses revenus et ses charges. Cette déclaration sera faite l’année N.
Peut-on voir le juge aux affaires familiales avant le divorce ?
Rappelons que le juge aux affaires familiales est un magistrat du tribunal judiciaire dont la vocation est d’intervenir dans les contentieux familiaux. Il dispose de compétences multiples en la matière.
La question qui est posée se réfère à une situation d’urgence (violences…) qui ne permet pas une médiation familiale préalable et survenant avant la première étape de la procédure de divorce contentieux qui est celle du dépôt de la requête en divorce rédigée par votre avocat.
Dans ce cas, l’article 1137 du Code de procédure civile prévoit que le juge aux affaires familiales peut être saisi. Deux procédures sont pour cela prévues mais celle dite à bref délai est la plus rapide.
Cette procédure à bref délai permet de saisir le juge aux affaires familiales par le biais d’une requête. Au vu des éléments qui lui seront fournis, et notamment ceux confirmant l’existence d’une situation d’urgence, le juge aux affaires familiales peut alors vous permettre d’assigner à une date d’audience fixée à bref délai.
Votre avocat sera de surcroît à vos côtés pour contacter le greffe du tribunal, délivrer l’assignation et pour vous défendre lors de l’audience devant le juge.
En cas de commission d’actes de violences exposant la victime ou ses enfants à un danger, le juge aux affaires familiales peut également être saisi, en urgence, par requête pour délivrer une ordonnance de protection (articles 515-9 à 515-13 du Code civil). Dans ce cadre, le juge aux affaires familiales pourra alors être amené à prendre différentes mesures de protection : interdiction d’entrer en contact, interdiction de détention d’arme, distance minimale à respecter contrôlée par un dispositif électronique… Ces mesures de protection fixées dans l’ordonnance ont une durée, une validité de 6 mois.
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